Roqueforti

Le Projet ROQUEFORTI 2022-2023

Evaluation du Risque fOngiQUE induit par l’utilisation de Ferments technolOgiques pour transformer de nouvelles matRices alimenTaIres

Un projet de recherche soutenu par le Département Microbiologie et Chaîne Alimentaire (MICA) de INRAE

Une collaboration entre MycSA et l'UMRF (https://www.uca.fr/laboratoires/collegium-sciences-de-la-vie-sante-environnement/unite-de-recherche-fromagere-urf)

Penicillium roqueforti est le microorganisme emblème, et essentiel sur le plan technologique, pour la production de fromages à pâte persillée. Leur utilisation est ancienne et leur sécurité sanitaire est aujourd’hui largement basée sur cet historique d’usage en production fromagère même si la capacité de P. roqueforti à produire des mycotoxines est plutôt bien connue. L’émergence de stratégies de croisement de P. roqueforti par reproduction sexuée permet aujourd’hui de générer rapidement des centaines de nouvelles souches, dont certaines sont potentiellement d’intérêt technologique. La demande des professionnels fromagers pour de nouvelles souches est très forte. Un nombre limité de souches de P. roqueforti est aujourd’hui utilisé et notamment pour toutes les productions à base de lait de vache (Bleu d’Auvergne, fourme d’Ambert, Saint-Agur etc…) alors que la diversité des P. roqueforti utilisés pour la production de Roquefort est plus grande. Les souches de PR fromagers forment même deux clusters assez différents.

Cette demande est associée à une forte préoccupation de disposer d’indicateurs garantissant l’absence de risque mycotoxine lié à ces nouvelles souches mais aussi à de nouveaux usages. Pour mieux prendre en compte cette problématique, il est indispensable d’approfondir les connaissances sur la capacité des souches fromagères à produire des mycotoxines ainsi que les déterminants abiotiques gouvernant leur production. Cette connaissance s’avère d’autant plus cruciale que l’utilisation de P. roqueforti dans des procédés de fermentation est en cours d’évolution : l’usage de P. roqueforti dans la fabrication de nouveaux aliments fermentés à base de matrices végétales, et potentiellement analogues du fromage, est en plein essor. Alors que les rapports C/N caractéristiques des matrices laitières ont été reportées comme non favorables à la production de mycotoxines, qu’en est-il de l’influence des caractéristiques physicochimiques des matrices végétales sur la toxinogénèse de P. roqueforti?

Aucune donnée n’est disponible à ce sujet. Il est important de les acquérir au plus vite pour éviter tout risque sanitaire induit par ces nouvelles pratiques de fermentation. Le projet ROQUEFORTI vise à approfondir les connaissances sur les déterminants abiotiques de la biosynthèse de mycotoxines pour mieux appréhender les risques sanitaires liés à une évolution de l’utilisation de P. roqueforti (nouvelles matrices et nouvelles souches) et garantir la sécurité du consommateur vis-à-vis de ces nouveaux usages.

P. roqueforti sensu stricto est potentiellement capable de produire une large gamme de mycotoxines qui comprend, entre autres, les roquefortines, la PR-toxine, les eremofortines et andrastines, l’acide mycophenolique, les clavines (agroclavine et festuclavine), la citroisocoumarine et l’acide orsellinique (Coton et al., 2020). Dans les matrices fromagères, les plus fréquemment retrouvées sont la roquefortine C et l’acide mycophénolique ; ce sont aussi celles qui, avec la PR-toxine, ont été les plus étudiées pour leurs effets toxiques. La PR-toxine décrite comme la mycotoxine de P. roqueforti possédant la toxicité la plus élevée est très rarement détectée dans les fromages car très instable et rapidement métabolisée en PR imine, PR amide et PR acide dans les conditions d’oxygénation et de composition en nutriments azotés caractéristiques de la matrice fromagère (Dubey et al., 2018). Dans des matrices végétales de type ensilage, l’ensemble des mycotoxines associées à P. roqueforti ont été détectées (Rasmussen et al, 2010), certaines avec des concentrations élevées pouvant atteindre plus de 10mg/kg (Ogunade et al., 2018). Certains substrats végétaux sont ainsi propices à l’expression des voies de biosynthèse des mycotoxines de P. roqueforti.

Si plusieurs études ont décrit les effets de facteurs abiotiques (température et activité de l’eau, essentiellement) sur la croissance de P. roqueforti (Camardo Leggieri et al., 2020), très peu de données existent sur les déterminants abiotiques de la production de mycotoxines par cette espèce. Les données les plus exhaustives sont celles publiées par Fontaine et ses collaborateurs (2015) qui, à l’aide d’une souche de P. roqueforti d’origine non fromagère, ont montré que la production d’acide mycophénolique et de Roquefortine C diminuait avec une diminution de la température (de 25 à 12 °C), du rapport sources carbonées/sources azotées, de la teneur en oxygène et l’augmentation de la concentration en NaCl. L’étude précédente n’a cependant concerné qu’une seule souche de P. roqueforti d’origine non fromagère alors qu’il existe une grande variabilité de potentiels toxinogènes au sein de l’espèce (Gillot et al., 2017).

La diversité génétique et fonctionnelle de P. roqueforti est de mieux en mieux connue. Les souches issues des clusters fromagers et environnementaux ont notamment été étudiées dans des modèles fromagers pour mieux comprendre la domestication des espèces fromagères (Caron et al., 2021). L’utilisation de ces souches sur des matrices végétales est en fort développement mais par contre très récente. L’impact de ces matrices sur la production de mycotoxines n’a pas réellement été étudiée pour garantir la sécurité du consommateur. De plus, une nouvelle collection de souches (INRAE/ LIP SAS/CNRS) a été générée dans le cadre de la thèse de Thibault Caron (doctorant CIFRE) et plusieurs centaines de recombinants potentiellement utilisables pour l’industrie agroalimentaire sont disponibles. Il convient toutefois de sécuriser l’usage de ces nouvelles souches en s’assurant qu’elles ne produisent pas de mycotoxines dans les conditions de production de produits laitiers ou/et végétaux.

Ainsi l’état actuel des connaissances sur les conditions de production de mycotoxines ne permet pas de garantir l’absence de risque lié à une utilisation de nouvelles souches de P. roqueforti et/ou la fermentation de nouvelles matrices. La réalisation du projet ROQUEFORTI permettra de répondre aux questions: Est-ce que les souches de P. roqueforti utilisées pour la transformation fromagère sont susceptibles de produire des mycotoxines quand elles sont sélectionnées pour produire des aliments fermentés végétaux? Quels types de mycotoxines seront produites en fonction de la matrice végétale considérée ? MycSA réalise les optimisations analytiques et l’analyse des matrices fermentées qui sont produites au sein de l’UMRF. L’UMRF apporte son expertise sur les souches de P. roqueforti.  

Contact

florence.forget@inrae.fr

 

Date de modification : 20 novembre 2023 | Date de création : 17 novembre 2023 | Rédaction : Communication MycSA