FM-2024-Xanthophylles

Les xanthophylles : une arme contre les mycotoxines?

Les xanthophylles sont une sous-famille des caroténoïdes. Dérivés oxygénés des carotènes, ces métabolites spécialisés sont présents dans la plupart des tissus végétaux au sein desquels ils sont des acteurs majeurs des mécanismes de protection des plantes contre les stress abiotiques et biotiques. Parmi ces stress biotiques se trouvent ceux induits par les champignons mycotoxinogènes et plus spécifiquement les espèces fongiques du genre Fusarium productrices de mycotoxines de la famille du déoxynivalenol (DON). Après avoir caractérisé les compositions en xanthophylles dans les grains issus de plusieurs génotypes de maïs et sorgho, nos études ont montré que certains de ces composés possédaient une activité antifongique et antimycotoxine particulièrement intéressante.

Contexte et enjeux :
Les cultures de maïs et de sorgho (considéré comme une des cultures d'avenir compte tenu, entre autres critères, de sa résistance à la sécheresse) sont particulièrement sensibles aux maladies fongiques causées par le champignon Fusarium graminearum dont les conséquences sont préjudiciables pour le rendement et la qualité sanitaire des récoltes. En effet l'infection par F. graminearum conduit à la contamination des grains par la mycotoxine déoxynivalenol (DON). Pour limiter cette contamination, en l'absence de stratégies alternatives efficaces, l'application de fongicides de synthèse est encore très répandue. Le choix de génotypes moins sensibles ainsi que l'utilisation de biosolutions sont deux piliers de ces stratégies alternatives. Une des pistes communes pour accélérer leur développement repose sur l'exploitation de la bioactivité de certains métabolites spécialisés présents dans les grains de céréales. Parmi ces métabolites, la famille des xanthophylles n'a été que très peu investiguée. Et pourtant, leur diversité et présence parfois en concentrations élevées dans certaines céréales, leur caractère lipophile et propriétés antioxydantes en font de très bons candidats.

Résultats :
L'analyse de la composition en xanthophylles d'un panel de génotypes de maïs a mis en évidence la prédominance de la zéaxanthine et lutéine, suivie par la β-cryptoxanthine. Les concentrations en zéaxanthine et lutéine ont montré de fortes variations selon le génotype, de 1 à 10 pour la lutéine et de 1 à 5 pour la zéaxanthine. Chez le sorgho, on retrouve la prédominance de ces deux xanthophylles. Les extraits bruts de xanthophylles se sont avérés de très bons inhibiteurs de la production de DON par F. graminearum ; des analyses de corrélation entre composition et bioactivité ont permis de démontrer que la zéaxanthine était l'acteur majeur de cette inhibition. Ce résultat a été confirmé par l'emploi d'une solution pure de zéaxanthine. Pour aller plus loin, nous avons montré que l'exposition de Fusarium à la zéaxanthine entraînait une profonde perturbation de l'expression des gènes fongiques impliqués dans la biosynthèse du DON et l'homéostasie redox. Parmi les gènes affectés, trois sont connus pour leur rôle clef dans l’agressivité du champignon lors de l’infection : une peroxidase catalase FgPCat2, une superoxide dismutase FgMnSOD1 et une 13S-lipoxygenase (FgLOX1).

Perspectives :
La suite directe de ces travaux est de poursuivre l'analyse des mécanismes d'action: (i) analyse de la contribution de la zéaxanthine aux mécanismes de défense des maïs et sorgho contre F. graminearum, (ii) analyse moléculaire de l'activité antimycotoxine de la zeaxanthine.
L'expoitation de la bioactivité de la zéaxanthine dans des biosolutions nécessitera aussi de développer une formulation adaptée pour en assurer la soulubilisation et stabilité tout en conservant son efficacité.

Valorisation :
Deux types de valorisation sont envisagées: utilisation des xanthophylles comme biomarqueur de résistance des céréales à la fusariose, (ii) utilisation de la zéaxanthine comme principe actif d'une solution de biocontrôle.

Références bibliographiques :
Savignac J.-M., Atanasova V., Chereau S., Ducos C., Gallegos N., Ortega V., Ponts N., Richard-Forget F. (2023) Carotenoids occurring in maize affect the redox homeostasis of Fusarium graminearum and its production of type B trichothecene mycotoxins: New insights supporting their role in maize resistance to Giberella Ear Rot. Journal of Agricultural and Food Chemistry. 71, 7, 3285–3296. https://doi.org/10.1021/acs.jafc.2c06877

Szabó B.K., Atanasova V., Ducos C., Kismányoky A., Pinson-Gadais L., Ponts N., Savignac J.-M., Körösi K., Richard-Forget F. (2024) Characterisation of sorghum cultivated in Hungary: potential health risk resulting from the occurrence of toxigenic fungi and effect of endogenous lipophilic antioxidants on mycotoxin production. World Mycotoxin Journal (online first). https://doi.org/10.1163/18750796-bja10007

Ces travaux ont été acquis au cours de deux projets de doctorants: Jean-Marie Savignac (thèse CIFRE dans el acdre d'une collaboration avec Syngenta) et Barbara Szabo au cours d'un séjour de 6 mois à MycSA (Hungarian University of Agriculture and Life Sciences, Gödöllő, Hongrie).