Toxines de Penicillium dans des alternatives formagères végétales ?
FM-2024-Alternatives_fromages

Mycotoxines dans les alternatives végétales aux fromages de type bleu : des contaminants à ne pas négliger !

Alors qu’on assiste à l’essor du marché des alternatives végétales aux fromages, la connaissance scientifique sur une possible contamination de ces nouveaux produits par des mycotoxines est très largement insuffisante pour pouvoir en évaluer le risque et minimiser l’exposition des consommateurs à ces contaminants. C’est dans ce contexte et avec l’objectif de combler ces manques de connaissances, qu’un partenariat scientifique entre l’UR MycSA et l’UMRF s’est emparé du sujet.

Le marché des alternatives végétales au fromage connaît une croissance rapide, en lien avec l'augmentation du nombre de consommateurs flexitariens et végans. Ces productions interrogent cependant sur d’éventuels risques sanitaires, notamment des risques d’ordre microbiologique. Une préoccupation majeure concerne la potentielle présence de mycotoxines dans les alternatives végétales aux fromages de type bleu. Ce risque peut résulter de la contamination initiale des ingrédients végétaux mais aussi, et surtout, de l’utilisation de ferments à base de Penicillium roqueforti. Si cette espèce fongique, connue pour sa capacité à synthétiser une variété de mycotoxines, n’induit pas de risques sanitaires dans les fromages à base de laits animaux, du fait de la production de ses toxines à de très faibles concentrations et de leur instabilité, la connaissance scientifique actuelle ne permet pas d’énoncer la même conclusion en ce qui concerne les matrices végétales. Un partenariat scientifique entre l’UR MycSA et l’UMRF a permis d’apporter des premiers éléments de réponse à ces manques de connaissances. L’emploi combiné d’approches in vitro et de challenge tests a mis en évidence que la production de mycotoxines est très variable selon les souches de Penicillium roqueforti,  une absence de corrélation entre la toxinogénèse caractérisée en milieu de culture synthétique et dans des matrices animales et végétales, une plus forte sensibilité des matrices animales à la contamination par la mycotoxine andrastine A, mais une plus forte sensibilité des matrices soja et cajou à la contamination par la mycotoxine roquefortine C. Il s’est avéré ainsi que le risque mycotoxine dans les alternatives végétales aux fromages de type bleu dépend fortement du couple souche/matrice et qu’il est essentiel de le prendre en considération dans l’élaboration de ces nouveaux produits fermentés.

Le résultat majeur est donc que le risque mycotoxines lié à l’utilisation de Penicillium roqueforti comme ferment dans des alternatives végétales au fromage de type bleu ne doit pas être négligé. Ce risque dépend fortement de la souche inoculée, du lait végétal utilisé et surtout de la combinaison souche x lait végétal. Certaines matrices végétales semblent être plus à risque que d’autres en ce qui concerne la mycotoxine nommée roquefortine C ; il s’agit des produits issus des noix de cajou et du soja. Il convient cependant de garder en mémoire que ces premiers résultats obtenus en milieux modèles doivent être validés dans les procédés industriels.  

Par ailleurs, la compréhension des différences de production de mycotoxines selon les souches et matrices végétales nécessite d’étudier plus finement la régulation de la toxinogénèse chez Penicillium roqueforti en fonction des sources de carbone et azote caractéristiques des laits végétaux utilisés. Cette analyse permettra de prédire le risque mycotoxines selon la composition de l’ingrédient végétal choisi.

Ces travaux de recherche sont en cours de publication : GAUTHIER Oriane, BERNILLON Stéphane, KHIREDDINE Rayan, SAUPIQUE Capucine, GALLEGOS Nathalie, CALLON Cécile, CHASSARD Christophe, RICHARD-FORGET Florence, 2024. Use of Penicillium roqueforti in plant-based veined-blue cheese: a source of mycotoxin hazards? Food Control, en cours de revision.